L'inactivation du gène RECQ4 permet d'augmenter la recombinaison génétique chez les plantes cultivées
Mais ce brassage s'effectue de façon limitée, car les échanges sont rares. En cause, la présence de gènes, dont l'action inhibe le mécanisme. Raphaël Mercier, responsable de l'équipe "Mécanismes de la méiose" de l'IJPB, INRA, Versailles, ainsi que d'autres chercheurs de INRA et du CIRAD ont démontré que désactiver l'un d'entre eux, nommé RECQ4, entraîne la multiplication par trois du nombre de recombinaisons chez des plantes cultivées telles que le riz, le pois et la tomate. Cette découverte, qui a fait l'objet d'une publication dans la revue Nature Plants, le 26 novembre 2018, pourrait permettre d'accélérer le processus de sélection génétique des plantes, et ainsi développer plus rapidement des variétés mieux adaptées aux conditions environnementales (résistance aux maladies, adaptation au changement climatique).
La recombinaison est un mécanisme naturel commun à tous les organismes qui pratiquent la reproduction sexuée, qu'il s'agisse des végétaux, des champignons ou des animaux. C'est ce mélange des chromosomes qui est à l'origine de la diversité génétique au sein des espèces. L'amélioration des plantes, telle qu'elle est pratiquée depuis dix mille ans, et qui consiste à croiser deux plantes choisies pour leur caractères intéressants et complémentaires afin de les réunir dans une seule, repose essentiellement sur ce mécanisme. Ainsi, pour obtenir une nouvelle variété de tomate à la fois savoureuse et résistante à un bioagresseur, on va s'efforcer de croiser et sélectionner, via les recombinaisons successives, des tomates qui possèdent les gènes impliqués dans le goût et la résistance. Mais ce processus prend beaucoup de temps, car le nombre de recombinaisons qui s'opèrent lors de la reproduction est faible. En moyenne, il ne se crée qu'un à trois points d'échanges de matériel génétique, ou crossing-over, entre les chromosomes par croisement. Pour cette raison, il est impossible par exemple, de combiner six gènes d'intérêt en une seule génération, ce qui constitue un frein important à l'amélioration des variétés.
Mais qu'est-ce qui limite ce nombre d'événements de combinaisons ?
Pour le comprendre, les chercheurs de l’INRA ont identifié et étudié chez la plante modèle Arabidopsis thaliana, les gènes impliqués dans le contrôle du niveau de recombinaison. Et ils ont découvert que l'un d'eux, RECQ4, exerce une action anti crossing-over particulièrement élevée. Au point qu'en le rendant non fonctionnel, on multiplie de deux à quatre fois la fréquence des recombinaisons !
Mais qu'en est-il sur des plantes cultivées ?
C'est ce qu'ont évalué les chercheurs, au sein d'un consortium associant l'INRA et le CIRAD, en examinant trois espèces d'intérêt agronomique, le pois, la tomate et le riz. Et c'est un succès. En "éteignant" le gène RECQ4, ils ont multiplié en moyenne par trois le nombre de crossing-over, avec pour conséquence un brassage plus important des chromosomes et donc une augmentation de la diversité, pour chaque génération. En tant qu'organisme de recherche finalisée, l'Inra va maintenant s'attacher à intégrer cet outil dans les programmes d'amélioration des plantes.
Mais pourquoi les recombinaisons sont-elles si peu fréquentes ?
Plus précisément, qu'est-ce qui explique que des mécanismes actifs, tels que le gène RECQ4, limitent ce processus, et donc le rythme de la diversité, chez l'immense majorité des organismes vivants qui se reproduisent sexuellement ? Eh bien les chercheurs n'ont pas encore la réponse. La théorie la plus partagée pour expliquer ce phénomène, c'est que l'évolution des espèces se produit dans un environnement qui est globalement plutôt stable. Par conséquent, les combinaisons sélectionnées lors des générations précédentes se révèlent bien adaptées au milieu dans lequel se développent les nouveaux individus. Or, si la diversité est indispensable à l'adaptation et la survie, rebattre l'ensemble des cartes, autrement dit bouleverser l'équilibre à chaque génération, n'est sans doute la solution la plus optimale. Bref, il faut de la diversité, mais pas trop.
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De gauche à droite pois, tomate et riz en serres IJPB
Communiqué de presse INRA 26/11/18
Contact scientifique :
Raphaël Mercier Raphael.Mercier@versailles.inra.fr (01 30 83 39 89) Institut Jean-Pierre Bourgin (INRA, AgroParisTech, ERL CNRS)
Département scientifique associé :
Biologie et amélioration des plantes
Centre associé :
Ile-de-France-Versailles-Grignon
Contact(s) presse :
Service presse INRAE (01 42 75 91 86)
Référence :
Delphine Mieulet, Gregoire Aubert, Cecile Bres, Anthony Klein, Gaëtan Droc, Emilie Vieille, Celine Rond-Coissieux, Myriam Sanchez, Marion Dalmais, Jean-Philippe Mauxion, Christophe Rothan, Emmanuel Guiderdoni and Raphael Mercier, Unleashing meiotic crossovers in crops, Nature Plants doi: Abstract
Voir aussi :
Raphaël Mercier, lauréat du Laurier INRA défi scientifique 2016