Soutenance d'HDR : Filipe Borges
Contrôle épigénétique de l'activité et du dosage des transposons dans le pollen et les graines hybrides
Chez la plupart des plantes à fleurs, les deux cellules spermatiques, incluses dans le cytoplasme du tube pollinique en croissance, sont transportées jusqu'au sac embryonnaire où a lieu la double fécondation. Comprendre les mécanismes moléculaires par lesquels les gamètes participent à la fécondation constitue un objectif crucial dans l'étude de la reproduction des plantes. Pendant mon doctorat, j'ai développé et optimisé des méthodes pour purifier les cellules spermatiques chez l'espèce modèle Arabidopsis thaliana en utilisant des techniques de tri cellulaire activé par fluorescence (FACS), permettant ainsi la première analyse de leur transcriptome à l'échelle du génome. L'analyse comparative du transcriptome avec des tissus sporophytiques a montré que les cellules spermatiques possèdent un profil transcriptionnel distinct et diversifié, mais je me suis particulièrement intéressé aux voies des petits ARNs et à la méthylation de l'ADN qui étaient encore peu comprises. Les mécanismes de silencing épigénétique auraient évolué pour contrôler les virus et les éléments transposables (ETs), qui sont très abondants dans les génomes eucaryotes. Ce contrôle est particulièrement important dans les gamètes, qui transmettent le matériel génétique à la génération suivante. Chez le pollen d'A. thaliana, l'expression des ETs est réactivée dans la cellule végétative, ce qui coïncide avec la perte de l'hétérochromatine et la biogenèse des petits ARN interférents (siRNAs). Nous avons ensuite réalisé une analyse de la méthylation de l'ADN à différents stades du développement du pollen, démontrant ainsi une deméthylation de l'ADN dans la cellule végétative au niveau de cibles de la voie de méthylation de l'ADN dirigée par les siRNA (RdDM). Ces résultats ont suggéré que la déméthylation d'ETs dans la cellule végétative du pollen pourrait faciliter la reprogrammation germinale et l'héritage épigénétique via les siRNAs mobiles. Chez les plantes, le silencing épigénétique médié par les petits ARNs nécessite des microARNs (miRNAs) et des siRNAs qui régulent les ETs au niveau transcriptionnel et post-transcriptionnel. Pendant mes recherches postdoctorales, je me suis principalement intéressé au miR845 qui cible spécifiquement les rétrotransposons. Nous avons découvert que l'activité de miR845 dans le pollen déclenche la biogenèse de siRNAs qui régulent les barrières d'hybridation mises en place lors du croisement d'un parent maternel diploïde par un parent paternel tétraploïde ("blocage triploïde"). Cela suggère l'existence d'un mécanisme particulièrement fin de surveillance du dosage chromosomique et de l'empreinte génomique dans la graine en développement.
J'ai été recruté par l'INRAE en 2017 sur un concours de chargés de recherche (CRCN), et j'ai rejoint l'unité IJPB de Versailles en avril 2018, où je dirige actuellement l'équipe "Epigénétique, Reproduction et Eléments Transposables" EPIREP qui a été constituée en 2022 avec Marie-Angèle Grandbastien. Nos recherches visent à élucider le rôle de miR845 et des siRNAs dans la reprogrammation épigénétique du génome paternel et du blocage triploïde. Pour cela, nous avons développé récemment une nouvelle technique moléculaire pour supprimer la biogenèse des siRNAs pendant le développement du pollen via l'expression ectopique de la protéine antivirale RTL1. Cette stratégie a notamment permis de démontrer que les siRNAs impliqués dans le blocage triploïde sont produits dans la cellule végétative du pollen après la méiose, soutenant ainsi l'existence de siRNAs mobiles qui favorisent la reprogrammation de l'épigénome dans les gamètes, ou dans la graine après la fécondation. Les cibles des siRNAs du pollen qui déclenchent le blocage triploïde restent inconnues, mais nos résultats ont montré également que l'hyperméthylation des ETs adjacents aux gènes soumis à l'empreinte parentale étaient nécessaire pour établir le blocage triploïde. Cependant, il reste à déterminer comment les petits ARNs et la méthylation de l'ADN peuvent contrôler le dosage génomique parentale dans l'albumen. Ces questions sont au cœur des travaux de deux doctorants (Armand Garcia et Jiahao Wang) que j'encadre actuellement, avec l'aide des deux permanents Corinne Mhiri (IR) et Matthieu Simon (IE). Mon objectif est de constituer une équipe de recherche multidisciplinaire et internationale très impliquée dans l’étude de nouveaux liens entre l'épimutagénèse et l'amélioration des plantes, un domaine de recherche encore peu exploré mais très prometteur pour la sélection végétale moderne.
Contact, Filipe Borges,
Soutenance d'Habilitation à diriger des recherche
Une recherche développée à l’Institut Jean-Pierre Bourgin - Sciences du Végétal.
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