Un nouveau rôle pour les microARNs chez les plantes : préserver la forme des feuilles face aux stress épigénétiques
La robustesse est une propriété fondementale des systèmes vivants. Elle leur permet, par exemple, d’accumuler des mutations sans impact sur le développement, tout en constituant un réservoir de diversité que l’évolution peut exploiter. Ainsi, comprendre les mécanismes sous-jacents à cette robustesse est un enjeux majeur dans l’étude du développement et de l’évolution.
Chez toutes les espèces végétales, le gène CUC2 participe à la mise en place de la forme des feuilles. Chez la plante modèle Arabidopsis thaliana, ce gène permet la formation de petites dents qui ornent le bord des feuilles. Lorsque le gène est inactif, les bords des feuilles sont lisses, tandis qu'une activité élevée conduit à l'apparition de grands lobes. Ainsi, l'activité de ce gène doit être finement régulée. Lors de récents travaux réalisés par l'équipe "Facteurs de Transcription et Architecture" FTA en collaboration avec l'équipe "Epigénétique, chromatine et développement" EPICDEV du "Laboratoire Reproduction et Développement des Plantes" RDP ont montré qu’une perturbation épigénétique qui augmente la transcription de CUC2, n’entraîne pas une augmentation de sa protéine ni ne change la forme des feuilles. Ce paradoxe s'explique par l’activation d’un mécanisme compensatoire : en réponse à la perturbation épigénétique, un microARN inhibe l’excès d’ARNm produit, empêchant une surproduction de la protéine CUC2. Ce mécanisme agit comme un « parachute de secours génétique ». De manière intéressante, nous avons également montré que ce parachute fonctionne sous différentes conditions environnementales, bien que sa taille (l’efficacité de la voie de secours) varie. Ainsi ces recherches révèlent un nouveau mécanisme génétique contribuant à la robustesse du développement des plantes suite à une perturbation épigénétique majeure.
Plusieurs questions émergent de ce travail.
> Ce mécanisme de compensation, activé par une perturbation épigénétique, peut-il être déclenché par d’autres types de perturbations ?
> Plus largement, joue-t-il un rôle dans la réponse développementale des plantes aux changements environnementaux ?
> En outre, ce mécanisme de compensation, mis en évidence pour le gène CUC2, existe-t-il également pour d'autres gènes ?
Une recherche développée à l’Institut Jean-Pierre Bourgin - Sciences du Végétal en collaboration.
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Légende : Feuilles arc-en-ciel, scan de feuilles d’Arabidopsis de différents génotypes. Les couleurs sont artificielles. Crédit : Dr Aude Maugarny
Fait marquant IJPB
Référence :
Maugarny A, Vialette A, Adroher B, Sarthou A-S, Mathy-Franchet N, Azzopardi M, Nicolas A, Roudier F, and Laufs P.
MIR164B ensures robust Arabidopsis leaf development by compensating for compromised POLYCOMB REPRESSIVE COMPLEX2 function. Plant Cell. 2024.
doi : https://doi.org/10.1093/plcell/koae260
Contact :
Patrick Laufs, contact
Équipe IJPB :
"Facteurs de Transcription et Architecture" FTA