La compréhension des facteurs contrôlant la fertilité pollinique est un enjeu majeur pour le maintien de la biodiversité ainsi que pour l’agriculture.
Les stérilités mâles cytoplasmiques (CMS) sont déterminantes pour la viabilité économique de certaines productions de semences hybrides performantes. Les gènes de CMS sont aussi probablement beaucoup plus fréquents dans les génomes mitochondriaux d'espèces sauvages que ne le laissent penser les observations de femelles dans les populations, comme l'attestent les découvertes récentes de CMS dites cryptiques (non révélées par un polymorphisme sexuel en population), en particulier chez Arabidopsis thaliana. Par ailleurs, l'impact des variations naturelles — ou induites — des génomes cytoplasmiques et des gènes nucléaires impliqués dans leur maintien et leur expression est encore très peu exploré, malgré l'accumulation de résultats suggérant un rôle dans l'adaptation des plantes à leur environnement. Ici, nous avons révélé un nouveau rôle dans la CMS de la variabilité naturelle d'une famille de protéines essentielles pour l'expression génétique des organites.
Chez de nombreuses espèces de plantes à fleurs, le déterminisme du sexe peut être contrôlé conjointement par le génome mitochondrial, hérité maternellement, et le génome nucléaire, à hérédité mendélienne. Ce phénomène, appelé stérilité mâle cytoplasmique (CMS), rend mâles-stériles (donc femelles) les individus porteurs d'un génome mitochondrial dit stérilisant et ne possédant pas de gènes nucléaires dits restaurateurs de fertilité (Rf). Les CMS induisent des polymorphismes sexuels dans les populations naturelles, et sont utilisées pour la production à grande échelle de semences hybrides de plantes cultivées. La plupart des gènes Rf identifiés à ce jour font partie d’une grande famille qui code des protéines adressées aux organites, les protéines à motifs pentatricopeptide répétés (PPR). La majorité des PPR permettent l'expression des gènes en se liant à des séquences d'ARN spécifiques, excepté les PPR-Rf, qui inhibent l'expression de gènes mitochondriaux stérilisants. Nous avons identifié chez Arabidopsis thaliana une PPR conservée apparentée aux PPR-Rf, RFL24, qui, contrairement à toutes les PPR-Rf étudiées, favorise l'avortement du pollen en présence d’un cytoplasme stérilisant. Ainsi, en présence du cytoplasme de la souche naturelle Sha (originaire du Tadjikistan), l'allèle RFL24 de la souche Cvi-0 (originaire du Cap Vert) cause une stérilité mâle qui résulte de l’expression du gène au cours du développement précoce du pollen. Nos résultats suggèrent que la conservation de RFL24 serait liée à un rôle primaire consistant à assurer un bon fonctionnement des mitochondries, et que le gène de stérilité l’aurait recrutée pour sa propre expression.
Référence Bibliographique :
Stéphanie Durand1, Anthony Ricou1, Matthieu Simon1, Noémie Dehaene1,2, Françoise Budar1 and Christine Camilleri1. A restorer-of-fertility like pentatricopeptide repeat protein promotes cytoplasmic male sterility in Arabidopsis thaliana. The Plant Journal, 2020, doi: 10.1111/tpj.15045. 1 Institut Jean-Pierre Bourgin, INRAE, AgroParisTech, Université Paris-Saclay, 78000, Versailles, France 2 Univ. Paris-Sud, Université Paris-Saclay, 91405 Orsay, France
Autres références bibliographiques :
1 Gobron, N., Waszczak, C., Simon, M., Hiard, S., Boivin, S., Charif, D., Ducamp, A., Wenes, E. and Budar, F. (2013) A Cryptic Cytoplasmic Male Sterility Unveils a Possible Gynodioecious Past for Arabidopsis thaliana. PLoS ONE, 8, e62450.
2 Simon, M., Durand, S., Pluta, N., Gobron, N., Botran, L., Ricou, A., Camilleri, C. and Budar, F. (2016) Genomic Conflicts that Cause Pollen Mortality and Raise Reproductive Barriers in Arabidopsis thaliana. Genetics, 203, 1353–1367.