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Une régulation épigénétique contrastée différencie les transgènes des gènes endogènes chez la plante Arabidopsis thaliana

Dans le contexte d’approches prédictives pour la biologie et d’expertise scientifique visant à éclairer les politiques publiques, il est essentiel de comprendre le rôle des différentes marques épigénétiques associées à la chromatine.

Le transfert de matériel génétique par croisement ou par transgénèse, ainsi que la modification du patrimoine génétique par mutagénèse, peuvent conduire à des modifications locales ou globales des marques épigénétiques du génome. Il est donc primordial de comprendre l’impact de ces modifications épigénétiques et donc de connaître le rôle précis de chacune de ces marques. L’impact épigénétique des modifications du génome obtenues par la technologie CRISPR doit également être précisé.

Depuis bientôt 40 ans, le comportement des plantes transgéniques fait l’objet d’études poussées. On a ainsi constaté qu’un même transgène pouvait, selon l’endroit où il s’intègre dans le génome, être reconnu comme une séquence d’ADN intrusive et inactivée (en anglais silencing), ou s’exprimer de façon stable au cours des générations.

Les transgènes qui s’expriment de façon stable dans les plantes pendant plusieurs générations sont considérés comme étant assimilés par le génome et épigénétiquement similaires aux gènes endogènes. Dans cette étude, L'équipe d'Hervé Vaucheret, epiARN en collaboration avec l'équipe de Bernard J. Carroll, The University of Queensland, Brisbane, Australia, montre qu’IBM1, une enzyme qui déméthyle la lysine 9 des histones H3 12, contrecarre la méthylation de l’ADN des gènes endogènes, mais pas celle des transgènes (qu’ils soient exprimés de façon stable ou inactivés). C’est JMJ14, une enzyme qui déméthyle la lysine 4 des histones H3 sans modifier la méthylation de l’ADN des gènes endogènes, qui se charge de contrecarrer la méthylation de l’ADN des transgènes 2.JMJ14 n’a aucun effet sur la méthylation de l’ADN des gènes endogènes 2. Ces résultats indiquent que les transgènes sont donc soumis à des régulations épigénétiques distinctes de celles des gènes endogènes.

L’atténuation de la méthylation de l’ADN des transgènes par JMJ14 favorise la production d’ARN aberrants qui peuvent induire une inactivation post-transcriptionnelle du transgène. Ces résultats indiquent donc que, via l’action de JMJ14, les transgènes demeurent susceptibles d’être inactivés, même lorsqu’ils s’expriment de façon stable. Le maintien des transgènes correctement exprimés dans un état probatoire de susceptibilité à l’inactivation suggère donc que les plantes marquent épigénétiquement les transgènes pour les distinguer durablement des gènes endogènes.

Perspectives
Cette étude a été menée sur des transgènes constitués de séquences exclusivement exogènes. Elle se poursuit en étudiant des transgènes constitués de séquences endogènes afin de savoir si c’est leur nature exogène ou si c’est la disruption locale de l’organisation du génome qu’ils engendrent en s’intégrant qui rend les transgènes épigénétiquement différents des gènes endogènes. Le comportement épigénétique des séquences endogènes modifiées par la technologie CRISPR sera également étudié, ainsi que celui des nouveaux transposons fraîchement intégrées dans le génome.

Références bibliographiques
1 Miura, A., Nakamura, M., Inagaki, S., Kobayashi, A., Saze, H., and Kakutani, T. (2009). An Arabidopsis jmjC domain protein protects transcribed genes from DNA methylation at CHG sites. EMBO J 28, 1078-1086.
2 Le Masson, I., Jauvion, V., Bouteiller, N., Rivard, M., Elmayan, T., and Vaucheret, H. (2012). Mutations in the Arabidopsis H3K4me2/3 demethylase JMJ14 suppress posttranscriptional gene silencing by decreasing transgene transcription. Plant Cell 24, 3603-3612.


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Une régulation épigénétique contrastée différencie les transgènes des gènes endogènes chez la plante Arabidopsis thaliana

Légende : DRM2 et CMT3 méthylent les sites CHG et CHH de l’ADN des plantes et assurent le silencing des transposons. IBM1 (déméthylase agissant sur la lysine 9 des histones H3) contrecarre la méthylation des gènes endogènes, alors que JMJ14 (déméthylase agissant sur la lysine 4 des histones H3) contrecarre la méthylation des transgènes et favorise leur inactivation post-transcriptionnelle.

Fait marquant scientifique IJPB et du département BAP
Équipe "Epigénétique et petits ARNs" epiARN

Publication associée
Butel, N., Yu, A., Le Masson, I., Borges, F., Elmayan, T., Taochy, C., Gursanscky, N.R., Cao, J., Bi, S., Sawyer, A., Carroll, B.J., and Vaucheret, H. (2021). Contrasting epigenetic control of transgenes and endogenous genes promotes post-transcriptional transgene silencing in Arabidopsis. Nat Commun 12, 2787. doi : 10.1038/s41467-021-22995-3