Quand pectines et protéines s’associent : un nouveau mécanisme d’assemblage de la paroi végétale
Les plantes ont la capacité extraordinaire d’utiliser l’énergie solaire pour convertir le CO2 atmosphérique en sucres. Ces sucres constituent une source presque inépuisable d’énergie et servent aussi de briques de construction sous forme de polysaccharides (de longues chaînes de sucres). Avec ces briques, les plantes construisent un rempart autour de chaque cellule : la paroi. Cette paroi sert à la fois de barrière protectrice et de support pour un squelette pressurisé. Ce dernier confère de la rigidité aux organes de la plante, comme un matelas gonflable. En effet, la paroi est si robuste qu’elle peut résister à des pressions considérables à l’intérieur de la cellule, atteignant jusqu’à 10 fois celle de notre atmosphère. Curieusement, la présence de cette paroi n’empêche pas le grossissement des cellules lorsque la plante grandit.
Une question se pose alors : comment cette paroi peut grandir, sans perdre son intégrité, ce qui ferait exploser la cellule ? Pour comprendre ce mécanisme, les scientifiques ont analysé en détails le processus d’assemblage de cette paroi.
Pour cela ils ont étudié la croissance du tube pollinique de l’arabette des dames, une plante modèle. Sa paroi cellulaire comprend deux composants majeurs, notamment des fibres et une matrice, principalement constituée de pectines. Les pectines sont bien connues pour leur rôle de gélifiant dans la confection de confitures !
L'équipe "Paroi primaire" PAR de l’IJPB avait déjà découvert qu’une fois déposées dans la paroi, les pectines gonflent, suite à une transformation enzymatique leur conférant des charges négatives, et permettent l’expansion de la paroi.
Ici la même équipe en collaboration avec des chercheurs de l'Unité BIA, de l'IINS, des Universités de Lausanne & Zurich en Suisse et de l'Université d'Anvers en Belgique, montre que ces pectines chargées négativement forment un complexe avec des peptides chargés positivement présents à la surface d’une protéine pariétale. Cette interaction induit la condensation de la pectine créant ainsi un motif réticulé qui confère à la fois la résistance et l'extensibilité à la paroi. La paroi du tube pollinique de plantes portant des mutations sur les peptides, ou sur leur partenaire protéique, ne montre pas cette structure réticulée et se désintègre prématurément. La formation du complexe peptide-récepteur-pectines et la condensation des pectines ont également été démontrées in vitro.
légende : Lorsqu’il est lié à son récepteur LRX8 (en gris), le peptide RALF4 (en rose) expose une surface alcaline riche en lysine (K70, K87, K88) et arginine (R78, R89, R90), © Julia Santiago Cuellar, Université de Lausanne
Cette étude, qui révèle le double rôle signalétique et structurel de ce complexe peptide-récepteur-pectines pour façonner l’extension de la paroi cellulaire, est source d’inspiration pour rationaliser de nouveaux mécanismes d’interactions protéines-polymères. Au-delà, ces résultats devraient faciliter la sélection de nouvelles variétés de plantes adaptées au changement climatique.
Enfin, ces travaux sont un bel exemple de collaboration entre les départements INRAE TRANSFORM et BAP, qui aboutit à une production scientifique de premier rang.
Projets concernés :
> ANR « HOMEOWALL » coordonné par Herman Höfte responsable de l'équipe PAR
> ERC Starting grant « STORMTHEWALL » de Kalina Haas, équipe PAR
Partenaires :
> The Plant Signaling Mechanisms Laboratory, Department of Plant Molecular Biology, University of Lausanne, 1015, Lausanne, Switzerland
> Université Paris-Saclay, INRAE, AgroParisTech, Institut Jean-Pierre Bourgin (IJPB),78000, Versailles, France
> Department of Plant Molecular Biology, University of Lausanne, 1015 Lausanne, Switzerland
> Electron Microscopy Facility, University of Lausanne, Lausanne, Switzerland
> UR Biopolymères, Interactions et Assemblages INRAE, UR1268 BIA, F-44300 Nantes, France
> Integrated Molecular Plant Physiology Research (IMPRES), Department of Biology, University of Antwerp, Groenenborgerlaan 171, 2020 Antwerp, Belgium
> Department of Plant and Microbial Biology & Zurich-Basel Plant Science Center, University of Zurich, 8008 Zurich, Switzerland
> IINS, CNRS UMR5297, University of Bordeaux, 33000 Bordeaux, France
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Légende : Image 3D d'un tube pollinique d'Arabidopsis thaliana marqué moléculairement. Le signal vert montre la structure en forme de toile formée par les polysaccharides de pectine en liaison avec les complexes protéiques de la paroi cellulaire. Cet arrangement physique régulé par les protéines fournit un système de support permettant une croissance soutenue des cellules végétales
Ursina Rathgeb ©DBMV-UNIL
Contact scientifique :
Herman Höfte, contact
Institut Jean-Pierre Bourgin (INRAE, AgroParisTech)
Équipe "Paroi primaire" PAR
Page scientifique d'Herman Höfte
Départements associés :
BAP et TRANSFORM
Centre associé :
Ile-de-France - Versailles-Saclay
Référence :
Steven Moussu, Hyun Kyung Lee, Kalina T. Haas, Caroline Broyart, Ursina Rathgeb, Damien De Bellis, Thomas Levasseur, Sébastjen Schoenaers, Gorka S. Fernandez, Ueli Grossniklaus, Estelle Bonnin, Eric Hosy, Kris Vissenberg, Niko Geldner, Bernard Cathala, Herman Höfte, Julia Santiago. Plant cell wall patterning and expansion mediated by protein-peptide-polysaccharide interaction, Science, novembre 2023, DOI : https://doi.org/10.1126/science.adi4720
Plus d'information :
Communiqué de presse INRAE 10/11/23, lien