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Betty COTTYN Chargée de recherche

Biopolymères Lignocellulosiques : des assemblages pariétaux aux synthons pour la chimie verte

La lignine est le deuxième biopolymère naturel après la cellulose, formée in planta par une polymérisation de différents alcools p-hydroxycinnamiques qui lui confèrent une structure complexe et encore incomplètement décrite. Associée à la cellulose et aux hémicelluloses, elle constitue l’essentiel de la paroi secondaire des végétaux.  

Les lignines sont des polymères phénoliques intervenant dans la croissance verticale des plantes, elles jouent le rôle d’agent imperméabilisant, provoquant l'exclusion de l'eau des parois secondaires et facilitant son écoulement à travers le tissu vasculaire végétal. Ce polymère phénolique joue un rôle structurel et protecteur dans le développement et la vie des plantes. Les lignines se présentent comme un frein à la transformation de la biomasse végétale, que ce soit dans l’industrie papetière ou bien dans les bioraffineries, du fait de ses fortes interactions avec les autres constituants de la paroi, de sa forte réactivité chimique et de sa faible dégradabilité. Ces deux derniers facteurs sont intimement liés à sa structure au niveau moléculaire ; il est donc nécessaire d’avoir une compréhension la plus complète possible des mécanismes enzymatiques et chimiques qui gouvernent sa mise en place au sein des parois végétales. Ce n’est qu’ainsi qu’il sera possible de comprendre les spécificités de la biomasse lignocellulosique et d’en estimer les potentialités dans une démarche de valorisation et d’utilisation des lignines, ou de résidus ligneux, pour la fonctionnalisation de matériaux ou la production de molécules biosourcées pour l’industrie chimique.

Les lignines sont des polymères constitués par trois types de monomères différents, les monolignols p-coumaryle, coniféryle et sinapyle. Ceux-ci donnent respectivement naissance à des unités de type p-hydroxyphényle, guaiacyle et syringyle. Ces monomères diffèrent par le degré de méthoxylation en positions 3 et 5 du cycle aromatique. La fraction de chaque unité varie de façon importante en fonction de la lignée végétale, de l’espèce, de l’organe et du tissu dont ils sont issus.  

Les lignines, provenant de différentes sources naturelles ou industrielles, varient largement en termes de structure et de propriétés chimiques (poids moléculaire moyen, polydispersité, degré de condensation, nombre de groupements présents, type de monomères, type de liens inter-unités, quantité de chaque unité présente). Les mécanismes de la polymérisation responsables de la variation de la composition des lignines utilisent les systèmes catalytiques peroxidase/ H2O2 ou laccase/O2 et le mode de polymérisation fait intervenir un mécanisme radicalaire entre deux complexes déhydrogénés. A ce jour, il existe deux hypothèses, le couplage peut se faire entre le monomère oxydé et le radical phénol du polymère grandissant ou entre deux radicaux phénol provenant de deux oligomères. Du fait de la complexité des lignines en termes de biosynthèse, de structure et d’interaction, les études de la lignification sur plantes normales ou mutées ne sont pas suffisantes. C’est pourquoi il est intéressant de développer des systèmes modèles comme les polymères déhydrogénés (ou DHP) pour avoir plus d’informations concernant la structure des lignines et la fréquence des différents types d’interaction. Pour trouver les mécanismes les plus proches de ceux intervenant dans la formation des lignines natives, in planta, il est nécessaire de tester différents modes opératoires, différentes voies de biosynthèse et d’en optimiser les conditions de formation. Ensuite, d’un point de vue analytique, la structure des lignines modèles formées doit être caractérisée par l’analyse des fragments présents. L’élucidation structurale de la structure formée est un point clef pour la compréhension de ces systèmes. Les méthodes d’analyses des lignines utilisées font intervenir la spectroscopie de masse GC/MS, la LC/MS, la chromatographie d’exclusion stérique, la RMN, ainsi que des techniques d’analyse dégradatives comme la thioacidolyse.  

Dans un second temps, les travaux sur les lignines industrielles issues du fractionnement de ressources lignocellulosiques ont pour objectif d’évaluer leurs potentialités d’usage en relation avec leur structure macromoléculaire aromatique et le procédé associé. En raison de l’inhomogénéité au niveau de leur formation, les lignines et leurs dérivés n’ont eu jusqu’à maintenant que des usages limités. Ces substrats naturels sont plus difficiles à valoriser que les (poly)saccharides naturels bien que plus prometteurs en termes de diversité chimique et de champ d'application potentiel. Les phénols libres des lignines, qui sont des groupes fonctionnels hautement réactifs, peuvent être utilisés comme amorces pour la polymérisation ou pour conférer un potentiel antioxydant aux produits qui en contiennent. De nos jours, les lignines servent généralement à la production d'énergie dans les industries du papier ou des biocarburants, en partie en raison de leur faible solubilité et de leur faible teneur en phénols libres. Cependant, elles peuvent être modifiées et dépolymérisées pour augmenter leur réactivité, leur solubilité et leur teneur en phénols libres afin de produire des produits chimiques de plus grande valeur. Un procédé de conversion des lignines permettant la récupération de molécules de haute valeur ajoutée améliorerait la rentabilité économique des bioraffineries. Ces procédés de conversion ne sont pas censés remplacer entièrement les voies de valorisation existantes mais détourner une partie du flux de lignines existant pour générer de nouvelles chaînes de valeur parallèlement à la combustion ou à la purification des lignines sous forme de polymères. L'une des limites de la plupart des bioraffineries 2G est que les processus sont fortement influencés par la qualité des matières premières. Compte tenu de la grande variabilité et de l'hétérogénéité des déchets et sous-produits de la bioraffinerie, il existe aujourd'hui un besoin crucial de procédés de valorisation robustes et flexibles.   La recherche sur les lignines fait appel à une combinaison de disciplines qui sont la biochimie, la chimie, la biologie moléculaire, la génétique.

Mes projets sont à l’interface chimie-biologie, comme la plupart de mes expériences de recherche précédentes. Mon projet scientifique à INRAE part de la compréhension de la structure des lignines, en rapport avec leurs mécanismes de formation in planta,  et de l’étude des différents paramètres intervenant dans la lignification, par la modélisation in vitro des étapes initiales de la polymérisation des alcools hydroxy cinnamiques jusqu’à la valorisation des lignines natives ou industrielles, soit directement en tant que biomatériaux (fonctionnalisation, transformation) soit comme source de synthons pour la chimie organique et la synthèse de nouveaux polymères biosourcés, en associant traitement chimique et biocatalytique pour un meilleur respect des contraintes environnementales.

J’ai développé plusieurs axes de recherche :  
1. l’étude de la lignification et des mécanismes d’oxydation des phénols végétaux : le suivi cinétique de la polymérisation in vitro, l’étude des voies de biosynthèse in vivo et les études électrochimiques ont permis de préciser le rôle de différentes oxydases et de différents substrats dans la mise en place des lignines et de proposer un nouveau mécanisme réactionnel spécifique de formation des liaisons de type b-O-4.
2. la synthèse de composés phénoliques modèles : un ensemble de méthodes a été developpé permettant la synthèse à façon de monomères, dimères et oligomères d’alcools et acides hydroxycinnamiques.
3. la valorisation des lignines dans des milieux innovants. Le but est d’explorer des voies de dépolymérisation des lignines dans des milieux non conventionnels, avec ou sans (bio)catalyse, et donnant accès à des synthons ou des oligomères permettant leur valorisation comme additifs ou macromonomères dans la formulation de polymères biosourcés.
4. les analyses structurales des lignines.
Betty Cottyn

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